Accessibilité Web : Bilan 2020 des plaintes provenant des États-Unis et le rôle des outils de sur-couche

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Un an après le bilan rédigé par mon confrère Olivier Keul, que nous disent les chiffres de 2020 ? La crise sanitaire a-t-elle eu raison de la virulence des attaques ? Les outils de sur-couche améliorant l’accessibilité ont-ils tenu leurs promesses ?

Évolution des plaintes sur 2020

3550 plaintes ont été enregistrées sur l’année 2020, ce qui représente une hausse de 23% depuis 2019. Au cours de l’année 2020, c’est une hausse de plus de 50% au total, autant dire que la baisse due au confinement du mois d’avril a vite été oubliée.

La répartition des procès selon les types d’entreprises

Le secteur le plus touché reste l’e-commerce (77,55%), suivi de loin par les services de restauration (7,77%). Les confinements et fermetures d’établissements scolaires ont fait émerger un nouveau domaine dans le top 5 des plus attaqués qui n’est autre que l’éducation (2,45%).

Être accessible, serait-ce facile ?

On aurait pu penser que l’utilisation d’outils d’amélioration de l’accessibilité freinerait, ou du moins rendrait les attaques plus difficiles. Il n’en est rien, et bien au contraire.

Plus de 250 procès ont été recensés, et les attaques n’ont cessées d’augmenter de façon importante au cours des 6 derniers mois pour atteindre une plainte par jour en cette fin 2020.

Beaucoup d’experts dans le domaine l’ont prédit, et averti du danger d’une communication souvent trompeuse de la part des créateurs de widgets et sur-couches d’accessibilité.

C’est quoi au juste ces outils ?

J’avais déjà lu pas mal d’articles, témoignages et tweets, rédigés par ceux qui sont contre l’utilisation de ces outils et qui argumentent donc dans ce sens.
J’ai donc fait le travail inverse pour me faire mon propre avis afin d’en tirer les conclusions les plus objectives possibles.

En résumé :

  • Ne pas se reposer sur un outil/service, il ne fera pas de miracle. Le site doit être le plus clean possible de base, sans outil.
  • Si présent, utilisons-le de la meilleure manière qu’il soit : pour les tests et suivi que certains éditeurs proposent, lorsqu’on n’a pas d’expert sous la main.

Qu’on se le dise et répète, ces outils ne sont pas magiques.

Ce qu’ils font :

  • La plupart des outils présents sur le marché sont là pour compléter un site Web : en proposant différentes fonctionnalités (via des toolbox à activer sur le site, à condition de savoir/pouvoir les trouver, et d’avoir le réflexe de les chercher).
  • Certains vont un peu plus loin, ils corrigent certaines erreurs de développement, identifiables de manière automatisée, et répondent donc aux critères de présence (maximum 30% des critères WCAG).

Ce qu’ils ne font pas :

  • Ils ne peuvent pas corriger ni garantir à eux seuls (donc sans intervention d’une équipe de développement*) la conformité à 100% aux critères du référentiel légal (RGAA pour la France, WCAG pour les USA).

Ce qu’il faut donc retenir : c’est qu’avec ou sans outil le site doit respecter au maximum les WCAG.
L’outil est là non pour corriger, mais pour compléter un site.

Pour ce qui est de corriger, certains semblent par exemple proposer des tests et suivis réalisés par des humains, car ils le reconnaissent très bien eux-mêmes : les outils, les IA, ne sont pas (encore) capables de couvrir 70% des critères des WCAG.
Un acteur du domaine a d’ailleurs rédigé un très bon article sur le sujet [EN].

Le gros souci avec ces outils, ce n’est pas ce qu’ils offrent, mais la communication qui en est faite. Le discours des éditeurs est tel que leurs clients ne se rendent pas compte de la réalité : l’accessibilité ne peut pas (encore) être traitée en cliquant sur un simple bouton.

Ce qu’il faut surtout ne pas faire :

  • Laisser le client penser qu’il peut se reposer sur un outil dans le cas où l’on signale une non-conformité
  • Éviter à tout prix le message : « on fait ce qu’on veut, l’outil corrigera après »

(*) Pour certains outils, selon le plan choisi, les corrections se font soit via l’équipe de l’éditeur, soit par celle du client.

Conclusion

Les chiffres sont clairs : les plaintes ne cessent d’augmenter de façon exponentielle, et la crise sanitaire n’a fait que révéler un besoin bien présent. Nous ne pouvons plus nous permettre d’ignorer ou de minimiser ce risque.

Rendre un site accessible peut être coûteux, mais peut-on fermer volontairement une audience alors que certaines entreprises ont pu survivre grâce aux services en ligne ? Peut-on volontairement refuser l’accès à l’éducation, à la culture, à la vente en ligne, au divertissement, à une audience qui pourrait faire augmenter un chiffre d’affaires en péril ?
Les chances de passer entre les mailles du filet de la justice sont de plus en plus minces. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, les outils d’amélioration de l’accessibilité ne freinent pas les plaintes.

Utiliser ces outils, c’est accepter que de base, votre site n’est pas accessible.
Et si les cabinets d’avocats se servaient des listes clients de ces outils, généralement mis en avant par les éditeurs, pour cibler leurs attaques ? Oups, c’est pas moi qui l’ait soufflé : https://convergeaccessibility.com/2021/01/11/accessibility-overlays-ignorance-is-not-bliss/

Sources : https://info.usablenet.com/2020-report-on-digital-accessibility-lawsuits


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