Accessibilité Web : Bilan des plaintes provenant des États-Unis en 2019

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Depuis 2016 le nombre de plaintes visant l’accessibilité web des sites Web et/ou applications ayant une présence aux États-Unis est en constante augmentation.

La raison ? La discrimination envers les personnes en situation de handicap qui ne peuvent pas consulter ou réaliser une action sur le site Web et/ou l’application.

UsableNet a fait une étude sur le sujet avec les chiffres clés de 2019. Analysons-les ensemble.

Rappel :

L’accessibilité du Web signifie que les personnes en situation de handicap peuvent utiliser le Web. Plus précisément, elles peuvent : percevoir, comprendre, naviguer, interagir et contribuer sur le Web

Source : Introduction to Web Accessibility (W3C WAI)

Le contexte juridique aux États-Unis

Les poursuites juridiques et financières se basent sur l’ADA (Americans with Disabilities Act) et principalement sur la notion de discrimination. Dans la législation américaine il n’y a pas de distinction entre le secteur public et le secteur privé, ainsi qu’entre une boutique physique et une boutique sur le Web. À partir du moment où un service ne permet pas à une personne en situation de handicap d’effectuer une action ou de consulter une information alors il y a discrimination. C’est la discrimination qui est attaquable au regard de la législation.

Une augmentation des plaintes

On constate une augmentation des plaintes et une pression juridique constante :

  • 262 en 2016
  • 814 en 2017
  • 2314 en 2018
  • 2235 en 2019

La légère baisse entre 2018 et 2019 est due à l’affaire Domino’s Pizza qui a fait beaucoup de bruit dans le petit milieu de l’accessibilité.

Le nombre de plaintes était de 22 en semaine 38, 41 en semaine 39, 24 en semaine 40 et 30 en semaine 41. Suite à l’affaire Domino’s et à la décision de la cour suprême, le nombre de plaintes a baissé de 41 à 18 en semaine 42 puis a progressivement repris pour être à 52 en semaine 43 et 58 en semaine 44.

Pour ceux qui n’ont pas suivi, un Américain du nom de Guillermo Robles n’a pas été en mesure d’accéder au site Domino’s et d’effectuer une commande car le site n’était pas compatible avec sa technologie d’assistance. En effet cet utilisateur utilise un lecteur d’écran et il faut donc que le site respecte un certain nombre de bonnes pratiques afin que l’expérience utilisateur se déroule au mieux. Ce n’était pas le cas et cet utilisateur s’est donc retrouvé discriminé. C’est pourquoi il a intenté une action en justice envers Domino’s.

C’est là que ça devient intéressant. Dans la majeure partie des cas, lorsqu’un site reçoit une plainte de ce genre il faut s’excuser auprès de l’utilisateur puisque l’on est en tort, faire profil bas et enfin mettre en place un plan d’action pour rendre son site conforme aux recommandations internationales d’accessibilité (WCAG). Le but est d’éviter de discriminer un nouvel utilisateur. Sauf que Domino’s n’a pas choisi cette option. Ils ont préféré contre-attaquer en remettant en cause le fait que l’ADA puisse s’appliquer au Web. Ils ont pour cela saisi la cour suprême (la plus haute juridiction aux États-Unis) ce qui a jeté un froid dans le microcosme de l’accessibilité, tout le monde redoutant une jurisprudence défavorable pour les utilisateurs. Domino’s a finalement perdu et ils devront, comme tout le monde, faire en sorte de ne discriminer personne sur leurs sites et applications.

[Mise à jour du 27/01/2020 20h17 suite à la précision d’Aurélien Levy sur le déroulé de l’affaire Domino’s]
Ils ont perdu le procès puis saisi la cour suprême qui a refusé de se saisir du dossier ce qui de fait valide le jugement en appel. La cour suprême laisse donc pour l’heure chaque juge dans les instances inférieures décider au cas par cas.

Une plainte peut en cacher une autre

Un autre aspect que montre l’étude est que l’on a tendance à oublier que les plaintes peuvent se succéder. Un site n’est pas « tiré d’affaire » à partir du moment où il a reçu une plainte. Au contraire il a de fortes chances d’en recevoir de nouvelles provenant d’autres cabinets d’avocats. Sur les 2235 plaintes en 2019, 21 % font l’objet de plusieurs plaintes.

La règle est donc d’agir rapidement et de montrer des résultats. Par exemple se focaliser dans un premier temps sur tous les points bloquants et sur le cœur de votre service. Si vous êtes une boutique e-commerce, la priorité devra être mise sur le tunnel d’achat et pas sur les pages FAQ.

Les secteurs les plus visés

Sans surprise c’est le secteur du e-commerce qui est le plus touché, ce qui a du sens puisqu’une personne en situation de handicap a tout intérêt à commander un service ou un produit en ligne plutôt que de devoir se déplacer dans une boutique physique. On trouve en deuxième place le secteur de l’alimentaire (coucou Domino’s), en troisième le secteur du divertissement et du loisir et en quatrième le secteur du voyage et de l’hôtellerie.

On notera également que plus de 66 % du top 500 du e-commerce a déjà reçu au moins une plainte liée à l’accessibilité.

Ce qu’il faut retenir

  • Si votre site ou application s’adresse au marché américain et que vous êtes dans le e-commerce, la question n’est pas de savoir si vous allez recevoir des poursuites juridiques et financières mais quand
  • N’attendez pas de recevoir une plainte pour mettre en place une démarche d’accessibilité web
  • Si vous n’êtes pas sur le marché américain, vous avez quand même le droit de lancer une démarche d’accessibilité. La législation évolue actuellement en France et en Europe

Outre tous ces aspects financiers et juridiques, en 2020 est-ce raisonnable de prendre la décision d’exclure une partie de la population par méconnaissance ou désintérêt de l’accessibilité web ?


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