Hyper personnalisation de l’expérience client : étape ultime de la relation client ?

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Une boutique en ligne qui se reconfigure en fonction du profil, des goûts et habitudes d’achat du client afin de lui proposer une expérience la plus pertinente possible. Un guichet automatique de banque dont l’interface tactile s’adapte en fonction du profil et des habitudes du client. Une appli mobile hôtelière qui tient compte en temps réel du lieu, du moment, du contexte et des habitudes du client pour proposer des services hautement personnalisés. Bienvenue dans le monde merveilleux de l’hyper personnalisation de l’expérience client !

La personnalisation n’est pas un concept nouveau. Depuis de nombreuses années les marques segmentent et ciblent leurs clientèles en ligne, adaptent leurs offres, leurs campagnes de communication et leurs recommandations vers des clients toujours plus sollicités, mieux informés et exigeants. Mais la tendance actuelle est d’aller plus loin, de pousser cette personnalisation jusqu’au niveau individuel en adaptant — en temps réel — aussi bien les contenus que les fonctionnalités et que les interactions. Le but ? Ne pas se limiter à la seule recherche de l’optimisation des taux de conversion et de l’augmentation des ventes mais viser plus globalement la satisfaction du client, la simplification des interactions, la pertinence de la marque.

La personnalisation au niveau individuel est rendue possible grâce à la récolte systématique, l’analyse et l’exploitation en temps réel d’une multitude d’informations concernant le client et son contexte.

Ce qui intéresse aujourd’hui les entreprises les plus matures sur le sujet, c’est de tout savoir, à tout moment et en temps réel sur chaque client pris individuellement :  son humeur, son état d’esprit, ses intentions, où se trouve-t-il (au bureau, à la maison, en déplacement…) ? Qu’est-il en train de faire (conduire, écouter de la musique, faire du sport…) ? Quel type d’appareil ou de canal utilise-t-il (mobile, web, montre connectée…) ? Mais aussi une multitude d’informations de contexte comme la météo du moment, le niveau sonore ambiant ou la luminosité, sans oublier bien sûr son historique de consommateur et de client auprès de la marque. Mais ce que les marques savent aussi pertinemment bien, c’est que cette quête d’information a aussi ses limites.

Qui dit utilisation d’informations personnelles dit aussi risque d’atteinte à la vie privée.

Où est la ligne rouge à ne pas dépasser ? Diverses études montrent que le consommateur est très conscient de l’intérêt des entreprises à obtenir toutes ces informations personnelles, qu’il est majoritairement réticent à partager les plus sensibles d’entre elles mais qu’il est aussi plutôt d’accord pour en partager un certain nombre aux conditions sine qua non que :

  1. la transparence soit totale de la part de la marque quant à ses intentions ;
  2. le contrôle et la gestion de ses préférences en matière de partage d’information lui soient confiés de façon non équivoque ;
  3. qu’il y ait une contrepartie tangible à ce partage.

C’est du  donnant-donnant. OK pour partager des infos personnelles mais il faut alors que l’expérience client soit exceptionnelle.

Les attentes du client en termes de personnalisation de l’expérience client sont de plus en plus élevées. Il veut :

  • de la proactivité : l’entreprise doit anticiper ses besoins, en priorisant par exemple certaines fonctionnalités et certains contenus ou en le conseillant afin qu’il atteigne son but plus rapidement. Par exemple l’appli mobile de Delta Airlines — en cas d’annulation de vol ou de correspondance manquée — permet de se ré-enregistrer immédiatement sur le prochain vol disponible ;
  • de la pertinence : l’entreprise doit éliminer le « bruit ambiant » des sollicitations non pertinentes. Par exemple, un site de pièces détachées automobiles ne présentera automatiquement que les pièces et accessoires compatibles avec la marque, le modèle et l’année du véhicule du client ;
  • de la continuité :  il s’agit de lui proposer des expériences omnicanal et des parcours fluides d’un canal à un autre (web, mobile, tablette…) ;
  • Sans oublier une dose d’émotionnel, en humanisant le plus possible la relation – par ex. : Frank & Oak, la start-up Montréalaise de vêtements pour hommes propose à ses membres un service de stylisme personnalisé, des envois à domicile de vêtements sélectionnés en fonction de multiples paramètres individuels et va jusqu’à inclure dans chaque colis un petit mot personnel écrit à la main.

En route vers l’hyper personnalisation !

Hyper personnaliser l’expérience client implique de repenser (ou de renforcer) un ensemble de pratiques dans l’entreprise, au niveau de ses processus — en particulier pour la conception de l’expérience client -,  de son organisation interne et des technologies à mettre en œuvre. Petite synthèse de quelques bonnes pratiques :

Au niveau des processus :

Agilité et politique des petits pas sont de mises

Construire des expériences clients de qualité ne suffit plus. Il faut de l’exceptionnel pour se démarquer de la concurrence, pour engager et fidéliser les clients. Pour y arriver, l’entreprise doit sortir de sa zone de confort, prendre des risques, expérimenter. Les approches agiles sont alors une nécessité absolue, afin de réaliser des prototypes rapides, avec des cycles courts, permettant d’« échouer rapidement » pour mieux rebondir tout aussi rapidement.

Adapter le processus de définition de l’expérience client

L’approche traditionnelle de définition de l’expérience client commence généralement par des recherches sur l’utilisateur, suivies par la création de parcours utilisateurs et de personas, qui sont traduits ensuite dans des storyboards et des wireframes pour finalement aboutir à des maquettes graphiques et/ou prototypes.

Hyper personnaliser une expérience client impliquera d’adapter cette approche classique et d’y intégrer une composante analytique et la production d’interfaces utilisateur adaptatives. On parle de data-driven UX approach. On commence par définir les buts à atteindre et les comportements visés pour la cible. On développe ensuite un premier modèle de segmentation des comportements, on identifie les stratégies d’interaction optimales et l’expérience utilisateur pour chaque segment. On utilise enfin des techniques analytiques et d’apprentissage automatique (machine learning) afin que le système s’adapte dans le temps et que le design et les modèles d’interactions sous-jacents puissent être optimisés.

Illustration reprise d’un article publié le par la Wharton University of Pennsylvania « The User Experience: Why Data – Not Just Design – Hits the Sweet Spot » (Feb 15, 2016)

Ne pas se contenter de l’existant en matière de données

Pour construire des expériences client personnalisées exceptionnelles, il ne faut pas partir des données disponibles pour se demander ensuite ce qu’on peut en faire. Il faut au contraire commencer par identifier comment individualiser au mieux chaque interaction, définir ensuite quelles données seront nécessaires pour y arriver, et enfin se poser la question de la disponibilité des données et de comment les obtenir.

Toujours prévoir un plan B

Les prédictions d’un système hyper personnalisé ne sont pas infaillibles. Il s’agit dès lors de toujours prévoir un « plan B ». Par exemple la boutique en ligne personnalisée laissera toujours la possibilité de rechercher la totalité des produits en catalogue ou l’interface personnalisée du guichet automatique de la banque permettra toujours d’accéder à l’ensemble des services.

Au niveau organisationnel :

Pour réussir à mettre en place des approches d’hyper personnalisation il est primordial :

  • d’éliminer les silos entre les divisions marketing, affaires et technologies ;
  • de renforcer les équipes avec des profils données : Analystes Big Data, développeurs Big Data, concepteurs d’expérience client ayant des compétences analytiques, etc.

Au niveau technologique :

Créer une vision unifiée du client

La majorité des entreprises gèrent des données clients réparties dans de multiples bases de données (une moyenne de 15 systèmes différents selon une étude Forrester1 réalisée en 2015 auprès de 200 entreprises). Cela crée des défis importants lorsqu’il s’agit de produire une vue unique du client et cela complexifie la coordination d’actions marketing cross-canal. La vision unifiée du client est un chantier important à mener en amont. La meilleure démarche sera d’unifier d’abord les données issues des sources « traditionnelles » (ERP, CRM, Data Warehouses, …) pour ensuite intégrer les autres sources de données clients issues de l’architecture numérique.

Utiliser les technologies déjà disponibles

Si la consolidation des données client est la première étape, il faut ensuite être capable de les exploiter et pour cela de nombreuses solutions technologiques existent. L’offre est pléthorique et encore extrêmement fragmentée. Avant de se lancer dans l’acquisition de nouveaux produits ou services il est tout à fait recommandé de faire d’abord un inventaire complet des outils déjà présents dans l’entreprise car il y en a très certainement. Réaliser une cartographie de l’existant est un exercice très utile car elle permet d’identifier rapidement les redondances entre différents outils déjà en place (dont toutes les fonctionnalités ne sont pas toujours utilisées) ainsi que certains manques.

Réaliser des quick wins et avancer progressivement sur des initiatives plus conséquentes

Il est plus que probable que vous puissiez réaliser immédiatement quelques quick wins de personnalisation avec votre existant, rapidement et avec des budgets limités, sans nécessairement viser des projets d’hyper personnalisation très sophistiqués. Par exemple Volkswagen France a pu développer en quelques semaines une application de personnalisation en temps réel pour une campagne proposant des essais de véhicules via une dizaine de sites de la marque. Les données du client, son comportement en ligne (par ex. : configuration en ligne d’un véhicule) et hors-ligne (par ex. : contact centre d’appel) sont capturés dans l’outil Woopra qui se charge de réaliser des segmentations dynamiques. S’en suit alors l’envoi de courriels et l’affichage de pop-in automatisés et personnalisés. C’est une première étape puisque l’entreprise a investi depuis dans des initiatives Big Data. Elle collecte en temps réel les actions qui sont initiées par les internautes, analyse ces données avant de les comparer aux comportements de clients déjà connus. La démarche consiste, en somme, à rapprocher des « jumeaux » de comportements pour pousser ensuite des offres dédiées.

Définir une architecture cible et sélectionner les technologies manquantes

Il s’agit de construire une architecture cible robuste et de sélectionner les différentes composantes.  Parmi les centaines de technologies commercialisées sur le marché, les grandes catégories à analyser sont :

Les plateformes d’automatisation du marketing avec au cœur de ces offres la gestion des leads et des contacts, la constitution d’une vue unique du client intégrant des informations provenant de sources diverses (depuis les réseaux sociaux jusqu’aux centres d’appels), l’intégration et la synchronisation avec le CRM, plus de nombreuses autres fonctions : segmentation (jusqu’au niveau individuel), scoring, suivi des comportements en temps réel, écoute des réseaux sociaux (Social Listening) etc. Les principaux acteurs du marché sont : Adobe, OracleMarketo, Salesforce/Pardot. Pour les plateformes d’écoute2 (Listening Platforms) on trouvera plus particulièrement : Synthesio, Brandwatch, Sprinklr, NetBase

Les plateformes de personnalisation web et de recommandations capables de comprendre des requêtes client et d’organiser les résultats, de prédire les comportements et les besoins, de combiner diverses sources de données afin de faire des recommandations personnalisées et présenter au client les contenus les plus pertinents et au bon moment. Parmi elles : Marketo, Qubit, SDL, Oracle, Hybris

Les plateformes de gestion des données (DMP) mises en œuvre principalement pour l’optimisation media (optimisation et automatisation de l’achat media numérique, segmentation des cibles publicitaire) mais qui ont néanmoins un champ d’exploitation plus large incluant aussi la personnalisation de l’expérience client. Les DMP collectent, normalisent, traitent et activent des données internes et externes à l’entreprise. C’est l’épine dorsale du Marketing basé sur les données. Les principales plateformes sont : Adobe, Krux, Neustar, Google, Oracle, Eulerian, …

Les plateformes CIAM (Customer Identity & Access Management) sont aussi importantes à analyser. Elles permettent  en effet de trouver l’optimum entre sécurité et expérience client, de produire une vue à 360-degrés du client et d’alimenter l’analytique client. Solutions :  Gigya, Janrain, UnboundID, Stormpath, …

L’assistance de conseillers spécialisés en stratégie/architecture numérique ayant aussi l’expérience de la mise en œuvre de ces outils et plateformes pourra être très utile pour aider les équipes marketing et technologies à naviguer dans cet espace fort encombré des solutions de marketing technologique et à construire des architectures robustes qui permettront de mener avec succès des stratégies de personnalisation — voire d’hyper personnalisation — de l’expérience client.


  1. « The Contextual Marketing Imperative : The Evolution Of Personalization From Push Messaging To One-To-One Personal Customer Experiences », a Forrester Consulting
    Thought Leadership Paper, commissioned By SAP hybris (PDF, 203ko
  2. Sujet déjà abordé ici-même par Frédéric Bon et Stéphane Deschamps dans leur article « Listening Plateforms » : outils indispensables à la rationalisation de votre présence Web ?